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Page:Nouvelles soirées canadiennes, juil & août 1883.djvu/3

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EXIL

Je sais une maison fleurie
D’où mon cœur n’est pas revenu,
Et qui m’est comme une patrie
Où l’exil m’a fait inconnu.

Comme une feuille au vent fanée,
A son seuil de lierre jeté,
En n’y restant qu’une journée
J’y laissai mon éternité.

Car mon rêve, au lierre fidèle
Mêlant mon âme, a suspendu
Au doux toit qui me parle d’elle
L’ombre de mon amour perdu.

Sitôt que son aile m’emporte,
C’est pour y ramener mes pas,
Et je revois la chère porte
Qui sur moi ne se rouvre pas ;

Le jardin tout plein de lumière
Où montait sur les cieux pâlis
L’orgueil de la rose trémière
Dominant la candeur des lys ;

Et, debout au fond de l’allée
De chênes aux feuillages lourds
Le vieux mur où la giroflée
Posait ses fouilles de velours !