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Page:Nouvelles soirées canadiennes, juil & août 1883.djvu/48

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nouvelles soirées canadiennes

pagnons. Ce sont des faiseurs, disons le mot, des farceurs, qui s’en tirent plutôt par un mot plaisant que par un acte de courage et dont l’activité consiste plutôt en paroles qu’en œuvres. Ils sont pour le progrès, la réforme, l’émancipation, mais un progrès, une réforme, une émancipation suivant leurs propres idées. Il y a longtemps que le patron les gène, les exploite, les pressure, ils trouvent que cela doit finir : il faut qu’ils aient leur tour. Et pourquoi pas ? Sont-ils moins intelligents que certaines personnes ? N’ont-ils pas eux aussi de la tête et du cœur ? Il est temps que l’ancien ordre de choses soit aboli et qu’un nouveau système s’établisse. Voilà leur opinion. Il faut s’affirmer. Que ceux qui ont peur le disent de suite, ils ne veulent pas de lâches parmi eux, pas de femmelettes, mais des hommes qui sachent défendre leurs droits et revendiquer leurs privilèges. C’est assez longtemps se faire opprimer, il faut lever la tête.

Voilà par quels moyens on fausse l’esprit de la plupart des ouvriers ; voilà comment on les engage dans une voie dont on leur cache les dangers. Le conseil règle, décide, organise, puis se fait approuver par la majorité. Il y en a bien qui protestent, mais leurs voix sont étouffées sous les quolibets, on les traite de lâches, de peureux ; ce sont des rétrogrades, des gâte-métier. De guerre lasse ils se soumettent et la grande affaire est décidée : on commence la grève, c’est-à-dire, on cesse le travail, il faut que les ateliers se ferment.