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Page:Nouvelles soirées canadiennes, juil & août 1883.djvu/59

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à travers les ronces

blent plus difficiles à supporter ! Combien surtout l’effet m’en semble plus à craindre sur l’âme ! Le vent et l’orage donnent aux plantes plus de force et de sève, mais qui n’a vu de ces arbres dépouillés, déchiquetés, rongés jusqu’au faîte par les larves ?

Douloureuse image qui m’a fait songer plus d’une fois. Pour peu qu’on s’observe on sent si bien comme les chagrins misérables appauvrissent l’âme, la vulgarisent, la déflorent.

C’est triste, mais c’est vrai.


22 mai. — Qui sait, peut-être n’est-ce vrai qu’autant qu’on souffre mal ? Et si je suis aussi sensible à mes peines est-ce bien parce que je les crois nuisibles à mon âme ?

S’il y a du danger dans la privation de toute sympathie, dans les froissements perpétuels du cœur, dans les ennuis et les dégoûts de tous les instants, il y en a aussi dans les douceurs de la vie — il y en a surtout dans les enivrements du bonheur.

Ceux-là les redouterais-je beaucoup ? Me faudrait-il bien du temps pour m’y résigner ? Oh, qu’on est peu sincère même avec soi-même !


23 mai. — Puis le cœur… le pauvre cœur si lourd à porter quand il est vide ! Comment l’habituer à jeûner de toute sympathie et de toute joie ? Au premier coup d’œil il semble qu’il suffit