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Page:Nouvelles soirées canadiennes, juil & août 1883.djvu/6

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nouvelles soirées canadiennes

que toute la poésie des Orientales tenait dans ma tête. Au fond de mon imagination, ces vers du poète m’apparaissaient en lettres de feu :

 « L’astre roi se couchait. Calme, à l’abri du vent,
La mer réfléchissait ce globe d’or vivant,
Ce monde, âme et flambeau du nôtre ;
Et dans le ciel rougeâtre et dans les flots vermeils,
Comme deux rois amis, on voyait deux soleils
Venir au devant l’un de l’autre. »

Des larmes d’admiration inondait ma figure ; car en présence d’une scène semblable, il ne reste à l’âme qu’un moyen de traduire l’exaltation de ses facultés : pleurer !

Le soleil descendait lentement. Il dansait maintenant sur la crête des Laurentides dont il poudrait d’or la luxuriante chevelure. Tout autour, se déroulaient des nuages aux réverbérations multicolores, suspendus comme des tentures somptueuses dans le palais d’un monarque. Un peu plus haut, les reflets devenaient plus pâles ; mais les nuages y épuisaient toute la gamme des nuances et des formes les plus fantastiques. C’étaient des pics abrupts à l’aspect sombre, des chutes immenses à l’écume blanchâtre, des montagnes de granit, de quartz, de neige que la lumière faisait étinceler. Les coquettes habitations de la rive Nord, que le regard peut suivre jusqu’à une assez longue distance, semblaient pousser vers Québec, une course de brebis blanches au fond de la forêt qui commençait à se chausser d’ombre ; la locomo-