Page:Nouvelles soirées canadiennes, juil & août 1883.djvu/63

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
349
à travers les ronces

Comment supporter cette pesante, cette horrible monotonie ? Comment s’habituer à la privation de tout ce qui fait l’intérêt, la douceur et le charme de l’existence ? Mais à quoi bon s’affaiblir dans ces considérations ? La raison dit qu’il faut accepter la réalité. Oui, il faut l’accepter, il faut recommencer sans cesse la lutte pénible et stérile, sans rien de ce qui excite l’ardeur du combat, sans rien de cette noble joie qu’on sent dans son âme quand on s’est vaincu soi-même. Et quoi d’étonnant ? Le refoulement de tout ce qui en nous appelle la joie, la vie, la paix, l’amour, la beauté, est-ce une lutte ? Pourtant voilà ce qui, pour moi, s’appelle accepter la réalité.


28 juin. — Mon Dieu, que je ne souffre pas inutilement.

Voilà une prière que je fais fréquemment. Oh que je me sens triste ! Malgré moi je pleure souvent. Mais je sens que ces pleurs ne valent rien.

Ô larmes de ceux qui ont lutté et souffert, larmes du soldat vainqueur ou vaincu, larmes sacrées, larmes bénies qui fécondez la vie, ceux-là ne vous connaîtront jamais qui n’ont rien à faire qu’à végéter.


29 juin.Rien à faire. Je regrette cette parole et toutes les amères pensées où je m’empêtre souvent.