Page:Novalis - Les Disciples à Saïs, 1895.djvu/19

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Ouvrez le plus profond des moralistes ou : des psychologues ordinaires, il vous parlera de l’amour, dé la haine, de l’orgueil et des autres passions de notre cœur ; et ces choses peuvent nous plaire un instant, comme des fleurs détachées de leur tige. Mais notre vie réelle et invariable se passe à mille lieues de l’amour et à cent mille lieues de l’orgueil. Nous possédons un moi plus profond et plus inépuisable que le moi des passions ou de la raison purev.Il ne s’agit pas de nous dire ce que nous eprouvons lorsque notre maltresse nous abandonne. Elle s’en va aujourd’hui ; nos yeux pleurent, mais notre âme ne pleure pas. Il se peut qu’elle apprenne l’événement et qu’elle le transforme en lumière, car tout ce qui tombe en elle irradie. Il se peut aussi qu’elle l’ignore; et dès lors à quoi sert d’en parler? Il faut laisser ces petites choses à ceux qui ne sentent pas que la vie est profonde. Si j’ai lu La Rochefoucauld ou Stendhal ce matin, croyez-vous que j’aie acquis des pensées qui me font homme davantage et que les anges dont il faut s’approcher jour et nuit me trouveront plus beau ? Tout ce qui ne va pas au-delà de la sagesse expérimentale et quotidienne