Page:Novalis - Les Disciples à Saïs, 1914, trad. Maeterlinck.djvu/198

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
142
FRAGMENTS

Spinoza et d’autres ont, avec un instinct singulier, cherché tout dans la théologie, fait de la théologie le siège de l’intelligence. L’idée spinozienne d’une science catégorique, impérative, belle ou complète, d’une science qui se satisfait en elle-même, d’une science annihilant toutes les autres et les abrogeant agréablement, bref, d’une science voluptueuse (idée qui est au fond de tout mysticisme) est extrêmement intéressante. — La morale, en tant qu’elle repose sur la lutte contre les penchants sensuels, n’est-elle pas elle-même voluptueuse, véritable eudémonisme ?

Si un homme, tout à coup, croyait vraiment qu’il est moral, il le serait.

Il me semble que de nos jours se généralise une tendance à cacher le monde extérieur sous des voiles artificiels ; à avoir honte devant la nature nue, et à ajouter, par le secret et le mystère, je ne sais quelle obscure force spirituelle aux choses des sens. La tendance, certes, est romantique ; seulement, elle n’est pas favorable à la clarté et à l’innocence puérile. Ceci est surtout notable dans les relations sexuelles.

Chaque vertu suppose une innocence spécifique. L’innocence est un instinct moral. La