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FRAGMENTS

vertu est la prose, l’innocence la poésie. Il y a une innocence fruste et une innocence cultivée. La vertu disparaîtra et deviendra innocence.

La pudeur est bien une sensation de profanation. On ne devrait s’occuper qu’en grand secret de l’amitié, de l’amour et de la piété. Il ne faudrait en parler qu’en de rares et intimes moments ; et s’entendre en silence sur ces choses. Bien des choses sont trop délicates pour qu’on puisse les penser, et, à plus forte raison, pour qu’on puisse en parler.

L’innocence et l’ignorance sont sœurs. Mais il y a des sœurs nobles et vulgaires. L’innocence et l’ignorance vulgaires sont mortelles. Elles ont de beaux visages, mais éphémères et insignifiants. Les sœurs nobles sont immortelles. Leur haute stature est inaltérable et leur face reflète éternellement la clarté du paradis. Toutes deux habitent le ciel et ne visitent que les hommes les plus nobles et les mieux éprouvés.

Je suis le but d’une chose dans la mesure où elle est là pour moi ; elle se rapporte à moi ; elle se trouve là, à cause de moi. Ma volonté me détermine ; par conséquent elle est ma propriété. Le monde sera tel que je le voudrai. Originellement le monde est tel que je le veux ; si je ne le trouve pas tel, il faut que je cherche