Page:Novicow - La Critique du darwinisme social.pdf/216

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

moment, choisissent, les unes la production, et les autres la violence et la guerre. Cette idée, de la plus haute fantaisie, fait véritablement venir le sourire sur les lèvres.

La guerre ne signifie pas la victoire. Si donc une société choisit la guerre pour se procurer des substances alimentaires, que fera-t-elle si elle est battue ? Le vaincu est obligé de céder ses substances alimentaires au vainqueur. Alors, comment la guerre pourra-t-elle le nourrir dans ce moment ? La guerre, au contraire, le contraindrait à mourir de faim. Une société ne peut donc pas se nourrir exclusivement de pillages et de guerres, parce que chaque société peut subir des défaites. De plus, aucune société ne peut se procurer par le pillage tout ce dont elle a besoin. Pendant les incursions, on peut enlever les matières faciles à transporter : l’or, l’argent, etc. Mais, pour avoir du blé, de l’orge, de l’huile, du foin, etc., etc., il faut les demander aux producteurs. Une société ne peut donc pas vivre sans production et sans échange. De plus, aucune société, si guerrière et si pillarde soit-elle, ne peut se passer de travail. Il faut bâtir des maisons, préparer les aliments, confectionner des meubles, etc., etc. L’histoire montre que les peuples les plus belliqueux étaient en même temps d’excellents producteurs. Les Romains faisaient de très bons agriculteurs, les Athéniens d’ingénieux industriels, les Italiens de très habiles marchands. Ajoutez que les pillages et les razzias s’opèrent à des intervalles plus ou moins distants. C’est la perspective du temps qui les ramène à une action continue. Or, dans les intervalles, il faut vivre. L’histoire offre un seul exemple d’un peuple nourri par la conquête au sens littéral de ce terme et non au sens métaphorique. Ce sont les distributions de l’annone qui se faisaient à Rome pendant deux ou trois siècles. Mais il n’y a pas de meilleure preuve que cette nutrition directe est extrêmement difficile. Ainsi, les Romains, après avoir conquis cinq millions de kilomètres carrés, comprenant les plus riches pays de la terre, ont