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seulement ainsi pour notre espèce, mais pour toutes les autres. Combien ne voit-on pas de champs envahis par les mauvaises herbes ? Dans ce cas, les plantes les plus délicates, celles qui, à notre point de vue, sont les plus parfaites, succombent par l’action de celles qui sont les plus grossières. En un mot, nous voyons bien souvent, dans la nature, une épouvantable hécatombe des meilleurs et une survivance énorme des plus mauvais.

Si donc certains êtres ont pu monter les degrés de l’échelle vitale, s’il a pu s’établir sur la terre une lignée, allant de la monère jusqu’à l’homme, ce n’est pas à la lutte pour l’existence et à la tuerie que cela est seulement dû. La lutte pour l’existence détruit les bons comme les mauvais. Le progrès est dû uniquement à un ensemble de circonstances heureuses, provenant, en majeure partie, du milieu physique. Les êtres se trouvant dans des conditions de milieu extérieur plus favorables et ayant traversé des chances plus avantageuses ont avancé vite, les autres ont avancé lentement.

Une réflexion peut faire comprendre combien est fausse l’idée que les êtres varient et se perfectionnent seulement par suite de la lutte pour l’existence. L’homme l’a emporté sur les animaux. Si même il parvenait un jour à détruire tous ceux qu’il lui plaît, on ne voit pas pourquoi il devrait alors changer morphologiquement, physiologiquement et psychologiquement.

Ainsi la lutte pour l’existence, c’est-à-dire la tuerie, n’explique pas à elle seule la variation des espèces, ni surtout leur perfectionnement. Par conséquent, même sur le terrain biologique, le progrès n’est nullement en fonction de l’intensité de la lutte, puisque cette lutte peut aussi bien amener le triomphe des plus mauvais que le triomphe des meilleurs. De cette façon, le darwinisme perd un des principaux traits qui le rendaient si particulièrement précieux aux esprits élevés. Dans la nature, la survivance d’une espèce n’est pas toujours une sentence