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pour ennemis tous les autres carnivores, plus tous les autres tigres, il est dans une situation plus mauvaise que s’il avait pour ennemis seulement les autres carnivores ; donc, dans le premier cas, il aurait moins de chances de survivre. La lutte entre animaux de même espèce n’est donc pas favorable et progressive, mais défavorable et régressive.

D’ailleurs Spencer n’est pas en droit de comparer les rapports des hommes entre eux aux rapports des tigres entre eux. Il n’est en droit de comparer les rapports des hommes entre eux qu’aux rapports entre individus d’espèces sociables : les abeilles, les fourmis, les castors, les singes, etc. Aussitôt qu’on arrive sur ce terrain des similitudes réelles, la scène change entièrement. Non seulement on voit que les individus d’espèces sociables ne se dévorent pas les uns les autres, mais, au contraire, on voit qu’ils s’unissent pour des œuvres communes, qu’ils échangent des services, et, par suite, composent ce groupement du degré supérieur qui s’appelle une société.

La seconde grande erreur de Spencer est de comparer la lutte entre individus de même espèce ou d’espèces différentes, non pas avec des individus humains, mais avec des sociétés humaines. Le combat singulier entre Chaka, chef des Zoulous, et Johnson, capitaine anglais (je prends des noms imaginaires) peut être encore assimilé d’une façon extrêmement lointaine à un combat entre un lion et un taureau. Mais la guerre entre les Anglais et les Zoulous, ou entre les Russes et les Japonais, ne peut être assimilée en aucune façon au combat entre un lion et un taureau, ou même à un combat entre deux lions. Par suite, la phrase de Spencer : « de même dans les sociétés humaines », est prodigieusement erronée. Il y a entre le combat de deux individus et le combat de deux collectivités des différences tellement énormes, il entre en jeu, dans ce cas, des facteurs tellement nombreux, tellement variés et tellement nouveaux, que toute assimilation entre ces