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NOS PREMIERS ROMANS

tude qu’ils pensaient éternelle, paraissent s’être refusés à envisager tout changement au régime social. C’est peut-être pour cela qu’ils n’ont pas vu venir l’exil en masse vers les États-Unis, exil qu’ils se sont montrés incapables d’enrayer, tout comme ils ont vu trop tard la révolution industrielle du xixe siècle. En littérature, on n’obtenait crédit et l’on n’était consacré grand homme que si on s’acharnait à retourner le seul, l’unique thème de l’attachement à la terre, le seul qui trouvât grâce devant les professeurs et les clercs. Les autres problèmes, l’orthodoxie les résolvait en les supprimant.

C’est là l’aspect dramatique de notre littérature, et peut-être aussi de notre Histoire tout entière, au xixe siècle. Nos grands maîtres, nos académiciens avant le terme, les critiques eux-mêmes, tous ceux en un mot qui ont pu avoir quelque influence sur la formation de la jeunesse enseignèrent et écrivirent, en noir sur blanc, que la qualité première du roman était d’être national, c’est-à-dire qu’il ne devait s’inspirer que de la terre canadienne, de l’histoire, des mœurs et des coutumes alors en honneur chez nous ; on n’admettait que les regards sur le passé ; toute vision d’avenir était interdite. Cette mise à l’index de toute autre conception (voir Lareau reprochant à