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LIBÉRATION DU ROMAN PAYSAN

pour cela d’abord, s’en sent solidaire. Il est Canadien, sans doute, le descendant de plusieurs générations de Canadiens dont il a hérité les coutumes, le mode de vie, le comportement extérieur : mais tout cela, c’est le décor : Moisan, paysan français, hollandais, allemand ou chinois, aurait eu devant la terre les mêmes réflexes qu’éprouve Moisan, paysan canadien du Québec. Et c’est pourquoi la manière dont Ringuet développe son thème régionaliste inscrit son roman sur le plan universel, un peu comme Ramuz chantant sa petite patrie suisse sans cesser d’être humain, profondément humain. Son roman n’est plus national ; c’est tout simplement un roman écrit en français par un Canadien ; et c’est ce qui en fit une œuvre originale dans notre littérature au moment où il parut (1937). Ringuet, peut-être le tout premier, a prouvé, à l’inverse de ce que l’on avait toujours pensé et enseigné, que la qualité essentielle du roman est de n’être pas national, qu’un roman ne doit pas avoir de nationalité, que seul enfin son auteur peut en avoir une. Il a traité un problème qui se posait au Canadien non en fonction du Canada, mais en fonction de l’homme. Ce n’est que compris de cette manière que notre roman paysan ou régionaliste pouvait se réhabiliter et obtenir son droit de cité.