Page:O’Neddy - Œuvres en prose, 1878.djvu/22

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le soleil sans le faire reculer, il s’écria tout incandescent de colère, en caracolant sur le front de la première ligne :

— Cavaliers ! un attentat horrible vient d’être commis sur la personne de votre colonel. Le gentilhomme de tout à l’heure n’était qu’un vil chef de brigands. Sitôt qu’il m’a vu assez éloigné de vous pour être privé de vos secours, il a donné un signal, et dix scélérats de sa bande ont fondu sur moi. J’en ai blessé quatre, mais il m’a fallu céder au nombre ; j’ai été renversé à terre et les lâches m’ont dépouillé de mon or et de mon épée. — Remerciez le destin qui vous offre si libéralement l’occasion de prouver au roi l’amour que vous avez pour lui en vengeant votre colonel ! N’est-ce pas, mes braves, que vous jurez tous de vaincre ou de mourir pour la cause du roi et de votre colonel ?…

— Oui !… oui !… clamèrent les braves. Vive le roi ! vive le colonel !

Et, en signe d’enthousiasme, les chevaux hennirent, les clairons sonnèrent, les sabres nus furent brandis au-dessus des casques.

Ces bruits généreux communiquèrent d’héroïques vibrations aux nerfs de M. le comte, un frisson de gloire lui courut de la tête aux pieds…. Un moment il se sentit grand homme !

Ses lieutenants se groupèrent autour de lui pour recevoir ses ordres.

— Vous pensez donc, lui dit l’un d’eux, que la troupe de ces bandits est considérable ?

— Oui, mon cher ! et, pour en venir à bout, nous n’aurons pas trop de la moitié de notre régiment.

On décida que deux escadrons demeureraient en réserve et que les deux autres battraient les bois dans lequel s’était dérobé l’inconnu.

Après quoi, l’illustre conseil de guerre fut dissous, — et sans perdre de temps, nos soudards partirent pour leur grandiose expédition.

(Estafette, 30 mai 1839.)