Page:OC Flavius Josephe, trad. dir. Theodore Reinach, tome 1.djvu/114

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fléau allait empirant[1] tous les jours et que ses fils le suppliaient, il ne lui restait plus d’autre parti à prendre dans la circonstance. Joudas, d’un caractère habituellement hardi, prit la liberté de lui dire qu’il ne devait nullement s’inquiéter au sujet de leur frère, ni considérer avec défiance des choses sans gravité ; on ne pourrait rien faire à son frère sans l’intervention divine ; et ce qui lui arriverait pourrait tout aussi bien lui arriver s’il demeurait auprès de son père. Il ne fallait donc pas qu’il les condamnât ainsi à une perte certaine, ni qu’il les privât des vivres que Pharaôthès pouvait leur fournir, par une crainte déraisonnable à l’égard de son fils. Au surplus, il y avait à considérer le salut de Syméon ; hésiter à laisser partir Benjamin, c’était peut-être la perte de celui-là ; pour Benjamin, il devait s’en remettre à Dieu et à lui-même : ou bien il le ramènerait vivant, ou il perdrait la vie en même temps que lui. Jacob, se laissant convaincre, lui confie Benjamin et lui donne le double du prix du blé, avec les produits du pays chananéen, baume végétal, myrrhe, térébinthe et miel, pour les offrir à Joseph en présents. Il y eut beaucoup de larmes versées par le père et par les fils, lors de leur départ ; celui-là, en effet, se demandait si ses fils lui reviendraient vivants de ce voyage, et eux, s’ils trouveraient leur père en bonne santé, sans que le chagrin qu’ils lui causaient l’eût abattu. Toute la journée se passa pour eux dans la tristesse ; le vieillard, accablé, demeura chez lui, et ses fils s’en allèrent en Égypte, consolant leurs souffrances présentes par l’espoir d’un meilleur avenir.

6. Arrivés en Égypte, ils sont conduits auprès de Joseph ; ils étaient gravement tourmentés par la crainte qu’on ne les accusât à propos de l’argent du blé, en leur attribuant une fraude, et ils s’en défendaient de toutes leurs forces auprès de l’intendant de Joseph : c’était chez eux, assuraient-ils, qu’ils avaient trouvé l’argent dans les sacs, et ils venaient maintenant le rapporter. Mais comme celui-ci leur déclare qu’il ne sait même pas ce qu’ils veulent dire, ils sont délivrés de leur crainte. De plus, il relâche Syméon et veille à ce

  1. Gen., XLIII, 1.