desquels les ancêtres se résignaient à flotter faute de savoir voler. On en voit partout, mais sans aéronautes. Réduits en dimensions, et captifs en outre, ils servent de bouées, de repères et portent les noms des différentes voies terriennes sous-jacentes, ou des stations d’atterrissage. En guise de nacelles, y sont suspendus de gros phares à incandescence électrique pour éclairer, la nuit, les routes de l’air. Et puis, il y a les ballons-prospectus que les toits des grands magasins lancent comme des bulles de savon et qui vont partout annoncer l’exposition de blanc du Bon Marché, la mise en vente du Louvre.
Michel monte dans un fiacre qui a consenti à s’abattre sur la terrasse.
Aucune crainte d’accident. Un mince et solide filet est tendu, invisible, au-dessus des carrefours les plus fréquentés, et un cocher ivre ou inexpérimenté pourrait sans danger se donner le luxe d’un écart.
En route au-dessus de Paris ! Quelques-uns des petits édifices de jadis subsistent encore : l’Opéra, le Louvre, le Palais, Notre-Dame, la Tour Eiffel, qui jadis semblait démesurée, et qui maintenant est de niveau. Voici les gratte-ciel de cinquante étages, couverts de terrasses spacieuses, bâtis pour des siècles, en acier et en béton armé, à l’épreuve de l’incendie et du tremblement de terre. Ces formidables constructions, plongeant dans l’espace, sont des ateliers, des usines, des magasins, des hôtelleries. Les grandes administrations y logent leurs fonctionnaires. C’est le noyau de la cité, le bloc où sont groupées solidairement toutes les existences actives, tous les pouvoirs publics, le monde du travail à côté du monde politique et du monde universitaire. Les hauts cubes de pierre sont amarrés les uns aux autres, à tous les étages, par des arches audacieuses de ponts, un inextricable réseau de voies donnant à l’ensemble l’aspect de cinquante villes superposées, noires de multitudes en mouvement.
De l’altitude où nous planons, tous les détails sont perceptibles, car le chauffage électrique a fait disparaître les cheminées ; l’atmosphère est transparente, lavée de toutes les fumées, de ce crachin opaque qui tombait des usines. Le regard plonge dans les craquelures du massif habité qui sont de larges avenues plantées d’arbres, où glissent comme des serpents les trottoirs mouvants chargés de piétons immobiles, tandis qu’au milieu de la chaussée bitumée, sans connaître la boue ni la poussière, fuit l’onde, étincelante de métal, des bicyclistes et des automobilistes.
Mais tout à coup, un spectacle plus proche nous arrache à la contemplation de la ville. Une brigade d’agents-volants perce une trouée dans le flot des aviateurs. Prestement notre pilote descend, d’un vol plané. Une sirène gémit, une ombre majestueuse se fait sur nos têtes : c’est le rapide aérosteamer New-York-Paris qui nous secoue dans le vent de ses ailes et va s’abattre comme un albatros sur une place qui occupe maintenant les noires et tortueuses allées du quartier des Halles.
Les grandes coopératives ouvrières ont, depuis longtemps, absorbé tous les petits fabricants. Chacune d’elles possède à Paris une maison, ou plutôt une tour titanesque où toute l’industrie du métier est centralisée. C’est sur la terrasse d’une de ces tours que s’abat notre aéroplane. On l’appelle la Maison des Cordonniers. Michel Dasnières, ce bourgeois fashionable, est…