Page:Octave Mirbeau - Dingo - Fasquelle 1913.djvu/138

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Et puis il est parti en voiture, dans sa voiture à bâche verte, pour le marché de Cour-sur-Viorne.

Je reviens sur la place de la Mairie. L’assassin est bien arrêté. Il n’a fait aucune résistance. Il n’a pas songé à nier. On ne le connaît pas. C’est un vagabond.

Au boucher, qui me donne ces renseignements, je demande :

— Comment est-il ?

Le boucher me regarde du coin de l’œil, hausse les épaules et répond :

— Il est… il est… c’est un vagabond… quoi ? C’est pas le président de la République… bien sûr !

Je tiens aussi du pharmacien — un pharmacien de première classe, ex-interne des hôpitaux de Paris — que le juge d’instruction interroge l’assassin en ce moment dans la prison. Le pharmacien est bon enfant ; il a de la légèreté, une certaine grâce parisienne. Il me dit :

— Vous ne connaissez pas la prison… Une petite cave… toute noire… sous la Justice de Paix… oh le greffier range ses légumes d’hiver… Ah ! la province !… C’est tordant…

Je demande encore :

— Et l’assassin ?… Comment est-il ?

— Ma foi ! répond le pharmacien… C’est rien… rien du tout… Un chemineau qui passait… D’ailleurs, je ne l’ai pas vu…