Page:Octave Mirbeau - Dingo - Fasquelle 1913.djvu/146

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indignation, — cette indignation qui fait le discours — je ne me sens pas en veine oratoire. Je me contente d’appeler Dingo pour la seconde fois, de l’appeler d’une voix plus tendre, approbatrice.

— Viens, Dingo… mon cher petit Dingo… Viens donc…

J’ai beaucoup de difficultés à le reprendre. Il ne veut absolument pas quitter son ami. Enfin, les gendarmes et l’assassin enchaîné pénètrent dans la foule… disparaissent dans la foule. De loin en loin, j’entends : « À mort ! À mort ! » Est-ce contre Dingo qu’ils crient ?… Est-ce contre moi ?… Est-ce contre l’assassin ?… On ne peut pas le savoir. Alors, je gagne une petite ruelle déserte avec mon chien, qui tire violemment sur sa laisse et que j’ai bien de la peine à maintenir.

Au retour, tout le long de la route, je songeai à Mme Irma Pouillaud. Je ne pouvais éloigner de moi cette image plutôt déplaisante. J’avais beau faire, je revoyais toujours, non plus le modeste et piteux assassin qui s’en allait vers sa destinée, mais les formes énormes de Mme Irma Pouillaud et ce chapeau à coques rouges qui, se balançant au-dessus de la foule, finissait par la symboliser en quelque sorte dans mon esprit.

Mme Irma Pouillaud était une femme redoutable