Page:Octave Mirbeau - Dingo - Fasquelle 1913.djvu/176

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il ne lui ressemblait pas du tout… C’était en 1884… Un jour, ou plutôt, un soir…

Un grondement, plus fort que les autres, interrompait à propos le récit à peine commencé. Et, bien à l’abri derrière le rempart de la table, le pauvre notaire, dont le regard inquiet voyageait de Dingo à moi, répétait…

— Ah ! regardez-le… Ah ! Ah ! Ah !… Qu’il est amusant !

Pendant plus de six mois que dura ce manège presque quotidien, il me fut impossible — par la sévérité et par la douceur — d’amener Dingo au respect que méritait un homme qui s’exprimait en termes si choisis sur son compte et sur le mien. Au contraire, la haine du chien s’accentuait à chaque visite du notaire. Et je vis bien que c’était là un parti pris, contre lequel il n’y avait pas à lutter.

Je n’avais pas encore, à ce moment-là, expérimenté la perspicacité de Dingo. J’en étais réduit à la mienne. Elle m’a beaucoup trompé… Je blâmai énergiquement mon chien. Pour éviter un malheur irréparable qui eût mis en deuil le notariat national et l’usine de cyanure d’or, je dus consigner Dingo dans une chambre fermée, toutes les fois que maître Joliton venait chez moi.

Quand on sonnait à la grille :