Page:Octave Mirbeau - Dingo - Fasquelle 1913.djvu/192

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Moi, je n’ai rien eu… Voici pourquoi… Les camarades criaient en me montrant du doigt au capitaine : « Pas lui ! Pas lui ! Il n’a pas voulu piller. » —  « C’est vrai ?… » que me demanda le capitaine. Il avait l’air furieux. Je crus, ma parole, qu’il allait me fout’ au bloc… — « Mon capitaine, que je dis en cherchant à m’excuser… je ne savais pas, moi… Si j’avais su !… » — « C’est bon… C’est bon… Ton bec ! » que dit le capitaine. Il me tourna le dos, et il commanda au sergent-major qui faisait la distribution, assis devant une petite table avec des fleurs peintes : « Rien pour ce clampin-là !… » Je fus rayé de la liste… Plus tard, un camarade, un Parisien, me dit : « Du moment que les curés pillaient comme des anges… tu aurais dû comprendre, espèce de gourde, qu’il y avait du bon !… » C’est vrai… Ah ! j’ai été bête… Je ne retrouverai jamais ça !…

Il soupira longuement et il ajouta :

— C’est comme la médaille… Tous ceux qui étaient là-bas l’ont eue, la médaille… Moi ! rien du tout. Je l’attends encore… J’en ai parlé aux gendarmes de Montbiron… « C’est un oubli… faut réclamer », qu’ils m’ont répondu. J’ai réclamé… Rien… Un oubli… Ah ! oui… on ne m’ôtera pas de l’idée que si on ne m’a pas donné la médaille, c’est que je n’ai pas pillé.

Et il se remit au travail.