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sans l’autre — à prononcer des grands mots, des mots de penseur, dont je sais qu’ils ne signifient rien du tout, mais qui me subjuguent quand même et me donnent de ma personne une idée avantageuse. Ce que j’aime surtout, c’est qu’aucun incident fâcheux ne vienne déranger le cours de ma vie, en apparence si tourmentée, en réalité si paisible.

Souvent, je me disais :

— Ce Dingo, je l’affectionne certainement… Et il m’amuse beaucoup… Il m’amuse, mais il m’inquiète… J’ai toujours peur qu’il m’arrive bien des ennuis avec lui… Il est parfois si déconcertant !… Pour lui, pour moi, pour notre tranquillité à tous les deux, il est nécessaire, il est urgent que je lui inculque un autre idéal…

Ce mot magique d’idéal, d’autant plus magique que personne jusqu’ici n’a pu le définir exactement, n’a pu savoir à quelle nécessité intellectuelle, et quel besoin moral de nos âmes, de nos sociétés et de nos littératures il peut bien correspondre, aurait dû me rassurer. Je le répétais souvent pour me donner confiance et pour en tirer, comme d’un talisman, je ne sais quel miracle…

— Oui… Oui… Un autre idéal !… Un autre idéal !… Un idéal quelconque !…

J’avais beau le redire toute la journée, le mâ-