Page:Octave Mirbeau - Dingo - Fasquelle 1913.djvu/233

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dissemblables et toujours si pareilles : « Hors de nous, il n’est que de mauvais citoyens. »

Hélas ! ce discours de distribution de prix, que j’agrémentai de citations heureuses et de récits controuvés, ne produisit sur Dingo aucun effet : ni persuasion, ni attendrissement. Presque insolent, très distrait au moins, il ne m’écouta même pas. Pendant que je débitais noblement ces nobles phrases, l’œil dur, le front plissé, les oreilles frémissantes, il suivait le cheminement dans l’herbe d’un coléoptère corseté de bleu.

Je crois… je croyais, à ce moment, au prestige de la parole humaine, à la puissance de ses vertus éducatrices. Je ne me lassai point et redoublai d’efforts. Les arguments les plus décisifs, je les employai jusqu’à l’étourdir ; les prosopopées les plus éloquentes, empruntées aux chefs-d’œuvre de notre littérature journalistique et tribunitienne, je les lui adressai de ma voix la plus vibrante. Dieu sait avec quel art, avec quelle netteté dialectique je sus établir une distinction entre les droits merveilleux que lui conférait sa naturalisation récente et les non moins merveilleux devoirs auxquels l’astreignait le choix qu’il avait consenti, ou plutôt que sir Edward Herpett son répondant, avait consenti pour lui de la France… Tout échoua. Chaque jour, un symptôme plus grave, une constatation plus effarante vinrent me