Page:Octave Mirbeau - Dingo - Fasquelle 1913.djvu/232

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idéaliste, je sus rester dans la limite des généralités vagues, consolantes et enchanteresses. À mon grand étonnement, Dingo ne parut pas en être impressionné.

— Si c’est tout ce que tu m’offres ? semblait-il me dire… Eh bien, mon vieux…

Un matin que nous nous promenions ensemble calmement, j’essayai de lui démontrer qu’il avait quitté pour jamais la brousse australienne, qu’il vivait maintenant en France, dans la douce France, dans l’admirable France du radical-socialisme, soumis aux mœurs égalitaires, à la discipline sociale, aux lois harmonieuses — les justes lois — qui font de notre patrie la meilleure, la plus glorieuse, la « plus rigolote » aussi de toutes les patries, les autres patries, lesquelles ne sont que d’insignifiants groupements d’êtres inférieurs, un ramassis de peuples tristes et idiots… Je lui expliquai qu’il me devait, qu’il devait à la République, qu’il se devait à soi-même d’accepter loyalement et sans arrière-pensée les bienfaits moraux de notre civilisation, comme il avait accepté sans la moindre hésitation ses bienfaits matériels. Enfin, je l’adjurai de se conduire désormais en bon citoyen. Et je lui donnai du bon citoyen cette définition forte, concise, que, depuis les temps les plus reculés de l’histoire, en donnèrent tour à tour les majorités régnantes, toujours si