Page:Octave Mirbeau - Dingo - Fasquelle 1913.djvu/243

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n’encombrons plus notre vie de ces petites vanités… vanitas vanitatum… comme dit le poète… Et le poète a raison…

S’efforçant de paraître gai, il ajoutait avec une indulgence, où perçait malgré lui l’aigreur de ses déceptions :

— Laissons cela à ces pauvres princes, à ces infortunés barons de la Finance… Ils en ont plus besoin que moi… je t’assure… En somme, c’est un idéal respectable qui les pousse, eux… Mais oui… ne ris pas… respectable… Ils comprennent très bien que les titres de noblesse et que l’argent… ce n’est tout de même pas ça… qui fait l’intérêt d’une belle vie… Tiens… C’est comme la croix…

Il se levait, et marchait dans la pièce, en faisant de grands gestes…

— La croix ! Buuuu !… Ah ! la croix !… veux-tu que je le dise ce que j’en pense, de la croix… c’est de l’enfantillage, ma chérie… Pire que cela… du totémisme… Allons travailler…

Pauvre Legrel !… Bien qu’il crût devoir chaque fois protester contre elles, il était très fier des insistances de sa femme, qui entretenait sa foi en son génie, fier surtout de son désintéressement, par quoi il s’estimait exceptionnel et même admirable, au-dessus des petites ambitions, des petites faiblesses des autres. Il avait donc dans