Page:Octave Mirbeau - Dingo - Fasquelle 1913.djvu/264

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retrouver la gaieté, la confiance amicale du début. Legrel avait repris son attitude hermétique de savant. Mme Legrel était encore toute préoccupée de la négligence de ce menuisier, qui avait mis la science en péril et failli amener une véritable catastrophe. Quant à Dingo, saturé de caresses, fatigué d’émotions, engourdi de friandises, il dormait allongé sous la table, comme un ivrogne. Malgré nous, de temps en temps nos regards à tous allaient simultanément vers le plafond et suivaient les moulures de la corniche. Nos imaginations étaient hantées d’araignées gigantesques et monstrueuses. Nous en voyions courir partout, surgir de partout. Je crus en apercevoir une qui traversait à grandes enjambées le lac de sirop d’une tarte aux prunes.

— Là !… Là !… criai-je…

— Quoi !… Quoi !… Mais quoi donc !…

— Une araignée… une araignée !…

Ce n’était rien, ce n’était qu’une ombre, l’ombre d’une toute petite feuille, que la brise, entrant par la fenêtre rouverte, projetait de la corbeille et faisait mouvoir sur la pâtisserie.

— Ah ! vous m’avez fait peur… dit Legrel, qui avait pâli à nouveau.

Je pensai que je pourrais redonner quelque intérêt à la conversation, en posant à Legrel des questions sur les gasterachantes, leurs mœurs