Page:Octave Mirbeau - Dingo - Fasquelle 1913.djvu/268

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comme il est intelligent !… Et puis, il est bien plus petit que toi…

Pour lui donner confiance sans doute, Dingo lécha la main d’Irène, avec la grâce élégante d’un jeune snob qui, dans un salon, baise le poignet d’une dame.

— Eh bien… c’est ça… dit Legrel… Allons voir le mouton.

Et il donna le signal du départ, non sans avoir scrupuleusement examiné toute la pièce, du stylobate à la corniche et vérifié, même sous la table, qu’il ne s’y cachait pas la moindre araignée.

Plantée sur toute la largeur du jardin, la charmille le bornait à l’ouest et donnait sur les cultures séparées de lui par un mur très ébréché et moussu, petit mur charmant que décorait naturellement une abondante flore saxatile. La charmille était vaste, droite, feuillue et très vieille, avec des bancs de pierre de loin en loin, entre les fûts des troncs. Par la baie de ciel ogival qui la limitait tout au fond, on voyait, au delà d’un moutonnement de verdures argentées, pointer dans la lumière un petit clocher.

Nous marchions lentement, silencieusement, religieusement sous la voûte des feuillages comme dans une nef d’église. Legrel avait pris mon bras et s’y appuyait d’une façon doucement