Page:Octave Mirbeau - Dingo - Fasquelle 1913.djvu/270

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choses enthousiastes et je ne pouvais que répéter à son exemple :

— Mon ami… ah !… mon vieil ami.

Irène, coiffée d’un grand chapeau de paille, d’où s’envolaient les longues et légères traînées d’un voile de gaze bleue, nous précédait avec sa mère. Et Dingo marchait aux côtés d’Irène, qui s’amusait à mettre dans la gueule du chien des branches mortes que celui-ci emportait, déchiquetait comme une proie, en secouant la tête et en grondant.

Soudain, il s’arrêta, laissa tomber la branche à terre et, tête haute, corps frémissant, narine brûlante, œil en feu, dressa ses oreilles.

— Dingo ! appelai-je d’une voix impérieuse… Dingo ! Ici…

C’est que, pour la première fois de la journée, je venais d’avoir conscience de mon imprudence et de ma légèreté. C’est que je comprenais un peu tard ce qui allait arriver, ce qui ne pouvait pas ne pas arriver. J’eus peur. Mon cœur se serra. Je sentis une sueur me mouiller le front : j’apercevais, à cent mètres de là… tourner et bondir autour de son piquet, le mouton de sir John Lubbock.

— Dingo ! Dingo !

J’avais hurlé cet appel de toutes les forces de mon désespoir et de ma terreur.