Page:Octave Mirbeau - Dingo - Fasquelle 1913.djvu/279

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vin, j’en connaissais par expérience, depuis longtemps, les futilités cancanières. Et puis j’étais de mauvaise humeur. Je le reçus fort mal.

— Ah ! vous me chantez toujours la même chose… reprochai-je avec brutalité… Vous êtes assommant… Dingo a encore pissé sur vos glaïeuls ?… C’est entendu… Laissez-moi tranquille.

Cet homme acharné ne se formalisa pas. Il savait qu’il avait la conscience pure, la vérité pour lui. Sans se rebiffer, il dit d’une voix lente, très solennelle, en détachant chaque mot, chaque syllabe de chaque mot :

— Monsieur, le poulailler est détruit…

— Quoi ?… qu’est-ce que vous dites ?… Le poulailler ?… vous êtes fou ?

Nullement intimidé, il répéta fermement :

— Je dis à monsieur que le poulailler est détruit… Je ne sais si je me fais bien comprendre de monsieur… Il n’y a plus de poulailler… Plus une poule, plus un poulet… plus un poussin, dans le poulailler… plus rien… plus rien… plus rien.

— Dingo ?… demandai-je, la gorge serrée.

— Dingo !… Oui…

Ayant respiré très fortement, il expliqua après un court silence qui me parut infiniment tragique :