Page:Octave Mirbeau - Dingo - Fasquelle 1913.djvu/282

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

arrachés de leurs crochets, les abreuvoirs siphoïdes roulant à terre et achevant de répandre leur eau, avec un petit bruit sinistre d’agonie, et les grillages tordus et les perchoirs brisés… tout cela ajoutait à la désolation du spectacle. On eût dit qu’une grande force de destruction, un formidable cyclone, une invasion de bêtes forcenées avaient passé par là.

Thuvin attendit que l’horreur de ce spectacle eût bien pénétré en moi ; puis, lorsqu’il me jugea monté au point d’indignation qu’il fallait :

— Voilà ! fit-il… Je n’ai touché à rien… à rien… J’ai voulu que monsieur voie la belle ouvrage de son chien… Eh bien, la voilà !

Je ne pus m’empêcher de pousser ce cri désespéré :

— Le tableau de chasse… Lui aussi.

Il n’y avait plus à douter, plus à espérer. Dans un éclair de désastre, j’eus la divination du futur. Le malheur était sur Dingo et sur nous. Le malheur était sur Ponteilles. Le malheur était sur le monde.

Comme je restais muet, glacé d’épouvante, — n’exagérons rien, — comme j’étais très ennuyé, Thuvin, moitié content, parce qu’il triomphait, moitié triste, parce que c’était un bon serviteur, disait :

— Ça devait arriver, un jour ou l’autre. Ah !