Page:Octave Mirbeau - Dingo - Fasquelle 1913.djvu/283

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ça devait arriver… Et qu’est-ce que monsieur va faire de Dingo, maintenant ? »

Je ne me demandais pas ce que j’allais faire de Dingo ; je me demandais plutôt ce que j’allais faire de Thuvin, coupable du plus grand des crimes : d’avoir eu raison contre moi.

Avec une merveilleuse injustice, je me disposais à prendre contre lui les mesures les plus sévères, quand un détail que nous n’avions encore remarqué ni l’un ni l’autre me frappa de stupéfaction et d’admiration.

Au milieu de ce carnage, sur le sol jonché de débris, rougi de sang, çà et là ouaté de plumes arrachées, dont quelques-unes soulevées par le vent voletaient dans l’air en flocons légers comme de la graine sèche de tremble, j’aperçus de place en place des œufs qui arrondissaient leur blancheur ovale, immaculée. Étonnant prodige : pas un seul de ces œufs pondus sous la pression féroce de la mâchoire de Dingo n’était cassé, n’était même taché. Leur coquille si fragile restait intacte, éblouissante sur le champ de massacre, comme s’ils eussent été posés par une main délicate sur un coquetier…

— Oh ! oh ! oh !… suffoquait Thuvin que cette infernale adresse de Dingo terrifiait.

Ces œufs le fascinaient. Il y voyait quelque chose de surnaturel, une preuve du diable. Plié