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gie, qui ne lui apporta pas moins de six belles mille livres de rentes et dont il eut une fille scrofuleuse, aux trois quarts idiote. À quarante ans, riche, considéré, décoré du mérite agricole, il revendit son usine. Il vint s’installer à Ponteilles, où il se fit bâtir la plus importante maison du pays. Son père était mort, sa ferme louée avantageusement. D’autres terres qu’il acquit à bon compte furent louées également. Il n’avait plus qu’à se laisser vivre. Ce qu’il fit et la vie qu’il mena était en apparence oisive, mais en réalité très laborieuse. Deux ans après, il était nommé maire, ensuite conseiller d’arrondissement, président d’un comité électoral. Sans l’avouer, il ambitionnait le Conseil général, la députation, tout, il ambitionnait tout, sans jamais cesser de sourire même à ses ennemis, car un homme si parfaitement heureux a toujours des ennemis.

— Je passais… Alors, je suis entré… Voilà ! répétait M. Lagniaud, pour la dixième fois…

Dingo somnolait, étendu sur le divan, fatigué peut-être de tous ses crimes. M. Lagniaud ne le regarda pas, affecta de ne pas le regarder, car un regard — si indifférent qu’il fût — de M. Lagniaud sur Dingo aurait pu me donner une indication sur le but de sa visite. Avec un intérêt exagéré, il regarda Miche qui, près de moi