Page:Octave Mirbeau - Dingo - Fasquelle 1913.djvu/301

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Il était stupéfait, ahuri. Ses regards vacillants allaient de moi à la pièce qu’il avait dans la main. Et ses paupières battaient et ses gros doigts tremblaient, comme s’il venait d’être frappé d’un étourdissement.

— C’est Dingo… père Fiston…

Il ne pouvait pour ainsi dire pas parler. Et il hoquetait :

— Ah ! sacristi ! ah ! sacristi !… à la bonne heure !

Dès le lendemain en effet, l’arrêté de l’adjoint — car afin de justifier cette signature insolite, le maire était parti la veille au soir pour Cortoise — fut tambouriné dans tout le village par le père Cornélius Fiston, puis affiché dans un cadre grillagé à la porte de la mairie. De cet arrêté, il s’ensuivait que tous les chiens du pays, à l’exception de Dingo, qui n’était d’ailleurs désigné que par une allusion incompréhensible, étaient exonérés de la muselière. Bien qu’il fût nul, on le célébra par une approbation générale.

Et il arriva aussitôt une chose épouvantable.

En dépit de l’arrêté de l’adjoint, et comme si le malheur n’eût attendu que lui pour se manifester, on apprit brusquement ceci : toute la campagne, les campagnes avoisinantes étaient terrorisées. Bientôt fermes, champs, prairies, bocqueteaux se couvrirent de cadavres et de blessés :