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vements. Leur cœur battait très vite et ils avaient l’air grave de deux vieux messieurs qui, au théâtre, bien calés dans leurs fauteuils, regardent danser une danseuse.

Au plus haut de la plus haute branche du sorbier, le mâle, les plumes bouffantes, surveillait le bois.

Dingo avait choisi, pour se cacher, une place d’où l’on pouvait bondir, au besoin d’où l’on pouvait s’enfuir facilement devant un ennemi imprévu et près de laquelle les graines rouges étaient plus abondantes. Deux fois déjà, le merle était venu, en sautillant, picorer au petit tas, à la portée des griffes de Miche. Et Miche n’avait pas bougé. Au contraire, au lieu de détendre ses pattes, elle les avait rentrées davantage sous son ventre et serré plus étroitement ses griffes au bout de ses pattes. Il semblait qu’elle eût le corps plus mou, plus ramassé et comme plus fortement incrusté au sol. De ses yeux obliquement fermés, il ne filtrait qu’une toute petite raie de lumière. On eût dit qu’elle dormait.

Le chien était étonné, déçu, un peu humilié. Comment n’avait-elle pas bondi sur le merle ? Qu’attendait-elle ? Elle ne retrouverait peut-être plus une occasion pareille… Mais il n’osait remuer, il n’osait rien dire, dans la crainte d’effaroucher