Page:Octave Mirbeau - Dingo - Fasquelle 1913.djvu/322

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l’oiseau. Il profita d’un moment où, effrayé par on ne sait quoi, le merle s’envola brusquement et se posa sur un moignon du sorbier.

— Tu vois, Miche !… Pourquoi n’as-tu pas sauté dessus ?… Il va t’échapper…

Miche répondit, en faisant la moue :

— Laisse-moi tranquille… Je m’amuse comme il me plaît… Tiens ! le revoilà !

En effet, le merle rassuré plongea de l’arbre et revint picorer au tas de graines. Du bout de sa queue, toujours frétillante, il effleura presque les oreilles de Miche.

Alors, voyant qu’elle ne bougeait toujours pas, se disant que peut-être elle avait peur, que peut-être elle attendait qu’il lui donnât la leçon définitive, Dingo s’élança et happa l’oiseau dans sa gueule.

Miche, furieuse, crut que l’oiseau était mort :

— Brutal ! dit-elle… Pourquoi as-tu fait cela ?

Mais Dingo, qui savait respecter la fragilité des œufs de poules, savait aussi respecter l’organisme plus fragile encore des petits oiseaux. Miche put constater que les ailes du merle battaient dans la gueule du chien, que ses yeux bien vivants, ses yeux bordés de jaune, n’exprimaient seulement qu’une affreuse épouvante. Dingo vint reprendre sa place près de Miche et doucement, délicatement, avec d’infinies précautions, il déposa le