Page:Octave Mirbeau - Dingo - Fasquelle 1913.djvu/325

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petite gueule, le lança en l’air, comme elle eût fait d’une souris et, le rattrapant de la pointe de ses griffes, elle le coucha à terre, se coucha près de lui, s’étira, miaulant doucement. Elle avait l’air de l’appeler, de l’aimer, de lui dire :

— Petit ! Petit !… Venez… venez…

L’oiseau avait une telle terreur qu’il restait immobile, qu’il ne songeait pas plus, libre, à s’envoler, qu’il n’avait songé, sous les griffes, à se débattre…

— Petit ! Petit !… venez… venez !

Longtemps, elle joua avec lui, comme avec une pelote de laine. Étendue sur le côté, maintenant l’oiseau à peine, elle l’obligeait à sautiller devant elle, le ramenait, le relâchait, le giflait gentiment.

— Petit ! Petit ! venez !…

Et brusquement dans un bruit d’ailes, le merle s’échappa, s’envola, remonta de liane en liane jusqu’au sommet extérieur de la touffe. Et tous les deux, le mâle éperdu, la femelle ravie, ils disparurent, en poussant de longs cris de fête, ne laissant dans le bois qu’un sillage léger.

Dingo et Miche étaient consternés. Ils avaient beau regarder d’un même mouvement le haut du sorbier, regarder autour d’eux… il n’y avait plus de merles nulle part, il n’y avait plus rien, plus rien que les deux pigeons ramiers, qui revinrent tournoyer très haut au-dessus du sorbier et