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chiens et comme les hommes ; ils ne racontent jamais leurs histoires.

On venait de finir la moisson. Seules restaient encore debout quelques orges dans la plaine nue et dorée, que rayaient d’un vert plus vif les champs de betteraves et les regains de luzerne. Les paysans travaillaient aux meules. On les voyait s’élever de place en place, par groupes, pareilles aux vigwams des nègres, aux paillottes hindoues. Et cela symbolisait au mieux la civilisation en cette partie du Barcis.

Dingo ne savait plus trop à quoi occuper ses journées. Il rôdait dans le bois, triste et désemparé, et sur les pelouses il s’efforçait vainement à se distraire en traquant les taupes. Le reste du temps, il dormait. Ah ! il était bien déchu de ses anciennes gloires, le pauvre Dingo ! On en causait toujours au village, sans bienveillance certes, mais avec une haine qui mollissait. Il pouvait croire que les temps héroïques étaient passés.

À quelques jours de là, je revis Piscot. Il était à la fois joyeux et inquiet. Il me parla avec l’animation de ceux qui, racontant un beau spectacle, sont glorieux d’en pouvoir témoigner :

— Ce chien est épatant… Monsieur… Si vous l’aviez vu ce matin… Dans la plaine… Ah ! j’ai bien cru qu’ils l’auraient…