Page:Octave Mirbeau - Dingo - Fasquelle 1913.djvu/346

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que lui avait donné le garde d’un château voisin.

Je voulus encore une fois prendre Dingo par la douceur, le raisonner. Peines perdues. Je songeai alors aux grands moyens correctionnels. Mais, à la première tentative de répression, il fit entendre un grognement si expressif, me dévoila de tels crocs, que je ne poussai pas plus loin l’expérience.

Alors, devant cette obstination que rien ne pouvait vaincre, devant les clameurs redoublées des paysans et les menaces grandissantes, je compris qu’il me serait impossible, désormais, d’habiter là. Et pour sauver la vie de mon chien, la mienne, ce qui restait de ma bourse, je résolus de vendre ma propriété et de quitter le pays.

Dois-je avouer qu’il ne m’en coûta que de l’argent ?

À la réflexion, je n’étais pas fâché de m’évader pour toujours de cet infâme endroit, où même avant l’arrivée de Dingo, j’avais été accueilli hostilement, sans raison, contre toute raison, rien que sous la poussée de ce nationalisme local qui rend les paysans plus sauvages que les sauvages du centre africain. Ces visages fermés ou bien ces regards moqueurs et ces lèvres farouches m’avaient fait comprendre tout de suite que je ne serais jamais, pour ces gens-là, quoi que je