Page:Octave Mirbeau - Dingo - Fasquelle 1913.djvu/354

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et gagnés au détriment de tout le monde… Ah tenez… ils n’ont même pas la rude avarice de ceux qui peinent ; ils n’ont que la cupidité de ceux qui spéculent. Ce qu’ils font, c’est engranger leur blé, créer la famine et attendre la hausse. Et si les tout petits fermiers vendent leur récolte, chaque année, c’est qu’ils ont besoin d’argent tout de suite…

— Avons-nous le droit d’être sévères ?… lui répondis-je. Au fond, sans le savoir, ils prennent leur revanche. Et les bénéfices d’usure qu’ils espèrent ou qu’ils cherchent n’atteindront jamais le taux des dîmes qu’ils ont payées pendant des siècles. Allez… classe à classe, ils ne sont pas encore à jeu… Il n’est pas d’usure qui puisse les rembourser… Pour des siècles, ils restent les créanciers de toutes les castes…

Nerveusement, il m’interrompit :

— Ta… ta… ta… je les connais, allez ! les paysans… J’en suis !

Je souffrais comme lui, des mêmes choses que lui. Je ne répondis rien.

Piscot qui m’avait défendu jusque-là, après l’histoire de Velu, était devenu tiède à mon égard et même franchement hostile. Un soir qu’il était venu, en se cachant, me demander un secours, il s’excusa de sa conduite, naïvement :