Page:Octave Mirbeau - Dingo - Fasquelle 1913.djvu/365

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rapporté, de la crémerie où je prends mes repas, des os et du pain… j’en ai fait une pâtée… Il l’a mangée et puis il s’est couché sur le lit… Comme il est caressant… j’aime tant les animaux… J’en ai eu… Oh ! des chats… Seulement, avec les tournées… on est obligé de les laisser… Mais si vous saviez comme il est intelligent ce chien…

— Je sais… je sais…

— Tiens… c’est vrai… je suis bête… Mais il est si intelligent… J’aurais dû vous le ramener… Mais j’avais tant à faire… Une tournée à préparer… Nous partons dans quatre jours…

Elle parlait avec volubilité. Les mots filaient chassés les uns par les autres. Mais ce bavardage ne m’agaçait pas. Sa voix avait un charme enfantin. Elle parlait aussi vite que les petites filles qui déquillent avant de jouer. Les sons se suivaient, inutiles et multipliés, comme s’ils n’avaient pas de sens précis, comme si elle avait appris par cœur ce qu’elle disait… Elle me raconta une histoire bébête et tragique de chat trouvé, semblable au récit, qu’une petite bonne ensommeillée invente distraitement pour endormir un enfant.

Elle toussa plus violemment et son visage se congestionna.

— Mais n’êtes-vous pas un peu malade ? lui demandai-je. N’est-il pas imprudent de vous exposer aux fatigues d’une tournée ?