Page:Octave Mirbeau - Dingo - Fasquelle 1913.djvu/383

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résignation de l’humiliation et une sorte de dégoût paresseux. Puisque c’en était fini des grandes promenades en liberté et des aventures dans Paris, il semblait que Dingo ne voulût plus bouger du tout et qu’il prît même un plaisir maladif à rester couché, toujours couché, en long ou en rond, mais couché obstinément, comme un chien qui a renoncé à toutes les joies, sauf à celle de dormir. Il n’avait plus d’appétit. Il laissait tous les aliments qu’on lui offrait et ne s’éveillait même pas de sa torpeur, quand on lui tendait un morceau de viande crue.

Cette vie casanière l’avait rapproché de Miche. Elle était aussi heureuse à Paris qu’à Ponteilles. Elle dormait sur les tapis comme elle dormait dans l’herbe. Et elle, qui s’éloignait dans la campagne pour de grandes expéditions, qui chassait les oiseaux dans les bois, les mulots et les musaraignes dans les prés et qui passait ses nuits Dieu sait où, acceptait sans aucun regret cette vie nouvelle de chatte d’appartement et ne s’aventurait même pas sur le palier.

Sans doute, elle ne comprenait pas la tristesse de Dingo, qui, le plus souvent, ne jouait avec elle que par politesse et courtoisie. Chaque jour, avant le déjeuner, elle l’obligeait à une poursuite dans l’antichambre et dans les pièces dont la