Page:Octave Mirbeau - Dingo - Fasquelle 1913.djvu/389

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des interviews qui, reproduites quelquefois dans les journaux de Paris, me valurent de la considération, et bien qu’il n’y fût jamais question de moi ni de mes livres, que tous les hommages allassent au seul Dingo, ajoutèrent grandement à ma réputation d’écrivain. Ah si j’avais su profiter de cette aubaine et — n’est-ce pas le cas de le dire ? — utiliser cyniquement cette réclame, quel personnage illustre, quel grand homme je fusse sûrement devenu !

Au cours de ce voyage. Dingo me révéla des facultés prodigieuses que j’ignorais encore en lui. Des facultés, dirai-je, de navigateur. Aussitôt descendu de voiture devant l’hôtel, et, pendant que je discutais avec l’hôtelier sur le choix d’une chambre. Dingo me quittait furtivement. Il se dirigeait vers la ville, s’engageait dans la ville. Il commençait par marcher avec prudence, avec lenteur, attentif, la tête haute, et il s’arrêtait aux carrefours des grandes voies pour humer le vent, noter en sa mémoire des points de repère, établir des points d’orientation. Peu à peu il accélérait son allure, traçait alors de grands cercles autour de l’hôtel qu’il avait choisi comme centre de ses randonnées, lesquelles allaient s’élargissant jusque vers la campagne, et, dans le sens inverse, se rétrécissaient de la campagne à l’hôtel, si bien qu’au boni de deux heures, lorsqu’il