Page:Octave Mirbeau - Dingo - Fasquelle 1913.djvu/388

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chasse et de meurtre l’avaient poussé au massacre des fourrures, il serait injuste cependant de nier que ce luxe humain avait pour lui le caractère d’une provocation véritable. Si l’accaparement des blés nous paraît un crime, que pouvait penser Dingo de tous ces chinchillas, loutres, hermines, astrakans et renards inutilement enfermés dans une penderie ? Non, tout cela n’était pas de la faute de Dingo, c’était de la faute des hommes. Et de la mienne surtout. À Paris, je l’avais négligé, je l’avais laissé dépérir dans une triste oisiveté. Je l’oubliais à la maison sous le prétexte d’aller voir des amis. Des amis ! Et je remplissais les devoirs… quels devoirs ! d’une vie de Parisien.

C’est pourquoi l’idée me vint de voyager.

Dingo et moi nous parcourûmes la Suisse, l’Italie, l’Allemagne, dans l’espoir que les incidents de route, la nouveauté, la variété des spectacles adouciraient ses instincts barbares et formeraient sa jeunesse. D’abord il me fit honneur. Sa beauté, sa belle tenue, sa gentillesse avec les enfants surexcitèrent au plus haut point la curiosité des étrangers, attirèrent sur moi le respect collectif des villes où nous passions. Partout, je reçus les visites les plus flatteuses : fonctionnaires de la police, artistes, savants, barnums, photographes, vieilles demoiselles. Les reporters m’arrachèrent