Page:Octave Mirbeau - Dingo - Fasquelle 1913.djvu/405

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— Ah ! qu’il est beau… c’est un zèbre.

Il passa sa main sur l’échine, puis sur la tête de Dingo, qui accueillit cette caresse cordiale et tapotée avec une remarquable indifférence. Dingo, d’ordinaire, manifestait ses sentiments, et ses sentiments étaient violents, prompts et sans nuances. Il aimait ou détestait, grognait ou jappait, montrait les dents ou léchait. Mais Pierre Barque eût pu le caresser une journée entière, sans que Dingo s’en aperçût. Ainsi, je l’avais vu un jour, immobile sous la pluie. Les petites tapes amicales de Pierre Barque ne le troublaient pas davantage que les gouttes de pluie.

Par politesse, je reprochai à Pierre Barque de n’être pas venu me voir, de ne m’avoir même pas écrit.

— Ah ! mon vieux, me répondit-il, ce n’est pas mon fort… Quant à venir te voir, je vais te dire… Depuis que je suis un artiste, c’est à peine si je passe trois mois de l’année à Paris… Les autres mois, je voyage…

— Et où vas-tu ?

— Partout !…

— Ça doit te coûter cher ?

— Pas un sou, mon vieux… je vais te dire… j’ai horreur des hôtels… On y mange mal et on y est très mal couché… et l’on n’y voit que des raseurs… Jamais je ne fourre le pied dans un