Page:Octave Mirbeau - Dingo - Fasquelle 1913.djvu/412

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sait et, appuyé à sa bêche, regardait devant lui un peu fixement, on ne savait où. Il semblait de bonne humeur. D’autres jours, je l’avais vu, par le plein soleil, enfoncer la bêche lourdement, du poids de tout son corps, comme si tout son corps allait pénétrer dans la terre par la fente qu’il venait de creuser. Ce matin-là, il avait l’air seulement de diriger sa bêche, avec la liberté d’un bon mécanicien qui règle une machine.

Dingo vint près de Flamant et s’étendit, devant lui, les deux pattes en avant. Il était rentré, la veille au soir, après une fugue de trois jours. Flamant, qui ne parlait jamais, lui parla :

— Tu as chassé… hein ?…

Dingo dressa les oreilles.

— Tu les connais, toi, les bonnes places !… Tu sais où sont les lièvres… Dingo remua la queue.

Et Flamant répéta plusieurs fois :

— Tu les connais… toi… les bonnes places…

Il laissa sa bêche plantée en terre, s’approcha de Dingo, se courba vers lui, lui saisit la tête entre ses deux mains, brusquement. D’une voix un peu voilée, les yeux tout près des yeux de Dingo, il lui disait :

— Ah sacré chien !…

Il venait d’apercevoir à l’angle des mâchoires une petite touffe de poils plus grise, agglutinée de salive et de sang, mêlée aux poils de Dingo :