Page:Octave Mirbeau - Dingo - Fasquelle 1913.djvu/413

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— C’est du lièvre… ça, dit-il, c’est du lièvre…

On eût dit qu’il se découvrait avec Dingo une parenté. L’un et l’autre, ils savaient attraper les bêtes. Flamant les guettait. Dingo les forçait. Un semblable instinct les rapprochait. Ils n’étaient, ni l’un ni l’autre, de ces chasseurs à carnassière et cartouchière qui chassent le dimanche, comme on pêche à la ligne. Ils chassaient, quand il leur plaisait, pour eux-mêmes.

Depuis deux jours, Dingo a disparu. Je suis habitué à ses fugues. Je ne m’inquiète pas. J’irai, sans lui, voir la chasse à courre dont parle tout le village et qui ramène les gens riches dans le pays.

De même qu’une fête votive ou les péripéties des manœuvres militaires, cela a mis en rumeur ce coin de forêt ordinairement si calme et si plein de silence. Toute la forêt retentit de l’aboi des chiens, du galop des chevaux et du son du cor. Elle est envahie… Elle crie, elle appelle, elle hurle… J’ai vu passer, emportés dans un galop, des messieurs très élégants, de belles et souples brutes humaines, vêtues de rouge, comme les bourreaux anciens. Et j’ai vu passer aussi, les unes à cheval, bien cambrées sur la selle, les autres mollement étendues sur les coussins de leur automobile, des femmes jolies, des petites femmes blondes et roses, aux prunelles douces, et