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— Mais non !… Mais non !…

Mais non, le cerf ne leur fera pas « cette sale blague » de mourir aux étangs… Il mourra, là, devant eux, en pleine Seine.

— Avec des torches !… Avec des torches ! s’obstine la grosse dame.

— Certainement, car c’est un bon cerf, soucieux des plaisirs du peuple, que diable !

Et devant moi, de l’autre côté du fleuve qui la reflète, la forêt étage somptueusement, déroule comme une magnifique tapisserie ses houles d’or et ses moutonnements pourprés… La chasse est loin maintenant. Ce n’est plus, sous cette riche parure, qu’un petit cri là-bas… que de petites clameurs indistinctes, étouffées, des souffles qui vont s’éteignant, très loin, sous les futaies…

Je me souviens que, la veille, je me suis promené dans la forêt et que j’ai aperçu dans une allée une bande de cerfs et de biches qui broutaient l’herbe, tranquillement, sans se douter de ce qui les menaçait. C’était le soir avant le coucher du soleil. Un soir immobile, où pas une feuille ne bougeait. Toute la forêt semblait de feu, de soufre et de sang aussi. Les troncs des arbres s’enlevaient, colonnades énormes et toutes noires, sur les pentes rouges et les feuilles tombées rendaient sourd, comme un épais tapis, le bruit de mes pas. Et caché derrière le fût