Page:Octave Mirbeau - Dingo - Fasquelle 1913.djvu/418

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Et voilà que, tout à coup, et peu à peu, la voix de la forêt se réveille et gronde. Les voix des chiens se rapprochent, à chaque seconde plus rauques, plus terribles. Le cor fait rage. On entend ici et là des appels, de grandes clameurs et des galops et des roulements.

— Elle revient… elle revient…

Le boucher triomphe.

— Puisque je vous dis qu’il n’y a pas un meilleur endroit… Tenez !

Et montrant le fleuve, à droite, il crie :

— Tenez !… le voilà…

En effet, j’ai entendu comme la chute d’une grosse pierre dans le fleuve. Je distingue des bouillonnements… des remous blanchâtres qui vont s’élargissant. Tout en avant, une sorte de branchage semble flotter sur l’eau. Dans la lumière atténuée du soir tombant, on croirait qu’on a jeté dans le fleuve un débris de bois mort et qu’un chien s’est mis à la nage, pour le rapporter dans sa gueule. On dirait que le vent seul et le balancement de l’eau agitent cette ramure dépouillée. Mais bientôt, au-dessus de l’eau blanche de remous, j’aperçois un angle noir : le dos du cerf. Un chien, d’une nage saccadée, la gueule levée, le poursuit, un seul chien tout d’abord. Une meute cependant est arrivée jusqu’à la rive, mais n’est pas encore à l’eau. Je ne puis encore