Page:Octave Mirbeau - Dingo - Fasquelle 1913.djvu/420

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Et je ne vois plus bien ce qui se passe. De temps en temps, sur la surface blanche, je vois encore le cerf qui s’engourdit dans le froid de l’eau. Et je vois autour de lui les gueules féroces des chiens, au-dessus de l’eau… Et je vois un piqueur qui a détaché une barque de la rive, et qui, conduit par un rameur en habit rouge, s’avance sur le cerf, la dague au point.

Les cris redoublent, des cris de victoire forcenés.

Et tout près de moi, une femme du peuple, une paysanne, regardant les piqueurs, regardant les cavaliers, regardant les douces femmes et la foule, crie, en leur montrant le poing, d’une voix de sublime haine :

— Ah ! les salauds !…

J’eus beaucoup de peine à retrouver Dingo qui, les poils trempés, se promenait avec agitation dans la foule. Un piqueur me dit :

— Ah ! c’est votre chien… Eh bien, il est propre… C’est lui qui a mené la chasse. On a tout fait pour l’éloigner… On lui a même tiré des coups de carabine… Mais ouatt… Ah sacré nom de Dieu !…

Je l’interrompis :

— Mais dites donc… vous jurez… Dans une aussi grande maison ?…