Page:Octave Mirbeau - Dingo - Fasquelle 1913.djvu/424

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fallut le lui arracher. Comment savait-il que c’était à cet homme, à l’imprudence de cet homme, que ma femme devait d’avoir été blessée, d’avoir failli mourir ?

De même qu’il repoussait toute nourriture, il refusait toutes promenades. Je le traînai de force, au bout d’une chaîne, dans le jardin. D’un mouvement d’épaules, d’une secousse de sa tête, il se débarrassa de son collier, et, en quelques bonds, il regagna la chambre de la malade. Je lui montrai une poule, un mouton. Ses oreilles se dressèrent, son œil un instant parut s’animer. Il fit un mouvement comme pour s’élancer. Mais il ne bougea pas et resta près de moi, l’échine courbe, les pattes rapprochées.

Je l’obligeai à me suivre en plein cœur de la forêt. Deux fois, au cours de ces promenades, nous rencontrâmes Flamant. Dingo tira sur la chaîne, s’approcha de lui et lui lécha les mains. Mais dès que Flamant se fut éloigné, Dingo m’échappa et courut reprendre sa place, au fauteuil, en face du lit.

Pendant deux mois, ma femme eut une fièvre violente. Les médecins ordonnèrent le repos le plus absolu et me défendirent même de rester avec elle plus d’une heure ou deux par jour. Je ne voulais pas m’éloigner de la maison. Je me sentais incapable de tout travail et je passais mes