Page:Octave Mirbeau - Dingo - Fasquelle 1913.djvu/81

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darmes, la troupe, des collisions. Je serais bien obligé d’arbitrer, de concilier, de résister, enfin, d’intervenir… Non, non… pas de chemin de fer à Ponteilles… Restons comme nous sommes. Quel beau pays ! Il y a cent ans, est-ce qu’il y avait des chemins de fer ? Non. Et le monde n’en allait pas moins bien ni moins vite… Enfin, sapristi ! ça n’a pas empêché quatre-vingt-neuf… Et cependant…

Par delà la plaine où, grâce à l’administration providentielle de M. Théophile Lagniaud, les moissons s’apprêtent à verser tout l’or de leurs gerbes dans les bas de laine du pays, en face de lui sur le coteau mi-champs, mi-bois, passe à ce moment un train de la ligne C.-B.-C. Compiègne-Beauvais-Cortoise. M. le maire s’attarde à regarder la longue traînée que la locomotive laisse derrière elle. La journée est calme. Aucun vent ; il ne souffle qu’une brise légère et très douce qui fait se caresser entre elles et chanter toutes les choses de la nature. Et la vapeur s’allonge toujours, demeure longtemps au-dessus du sol, sans s’effilocher. On dirait que le train glisse sous une voûte de soie dont le soleil avive la blancheur nacrée.

Ce poétique et moderne spectacle fait réfléchir M. le maire. Du bout de sa canne, — signe de préoccupation intellectuelle, — il décapite quel-